L’Université de Fondwa est l’unique université de la République d’Haïti fonctionnant dans une section communale (Fond’Oies, 10ème section communale de la commune de Léogâne, département de l’Ouest, Haïti). L'université est née d'une association de paysans nommée "Assosyasyon Peyizan Fondwa" (Association des paysans de Fondwa, APF) et a été créée afin de répondre aux problèmes rencontrés par la paysannerie haïtienne dans les 572 sections communales du pays.
Fondwa, qui est la version créole de son nom légal Fond'Oies (l'orthographe française), est une section communale de Léogâne. La section communale représente la plus petite unité géographique de la république d'Haïti et divise toutes les plus grandes « communes » d'Haïti. Dans le passé, ces sections étaient appelées « sections rurales » en raison de leur nature rurale et de leur isolement des grandes villes. Ces sections étaient administrées par l'État haïtien en vertu d'un « code rural » jusqu'en 1996, tandis que les « grandes villes » d'Haïti étaient régies par des codes et des politiques distincts. La présence de l'État dans ces zones rurales était minime et parfois pratiquement inexistante, et ce manque de présence de l’Etat caractérise les sections communales toujours dans nos jours. Les citoyens nés dans ces zones rurales sont encore désignés à ce jour comme "paysans".
La convergence des sections rurales avec les villes en 1996 faisait partie des mesures de décentralisation visant à lutter contre les grandes inégalités socio-économiques entre les villes et les zones rurales. Donc, aujourd’hui, nous trouvons des sections communes rurales ainsi qu’urbaines. Cependant, le fossé historique entre les habitants des sections communales rurales et les villes dominées par les bourgeois est profond, et il existe toujours comme une des plus grandes inégalités socio-économiques de la société haïtienne actuelle. La paysannerie est parmi les groupes les plus marginalisés d'Haïti, avec un accès extrêmement faible aux services publics et à la protection de leurs droits humains. Ici, dans les sections communales, on trouve d'énormes inégalités sociales, économiques, culturelles, de sécurité alimentaire, nutritionnelles, technologiques et académiques entre la paysannerie et le citadin.
Les préjugés contre la paysannerie restent profondément enracinés. Le mot « rural » lui-même a une connotation péjorative et s'accompagne de stéréotypes d'arriération et d'une incapacité à s'autogouverner. Alors que l'ensemble d'Haïti est techniquement divisé en sections communales, il existe une nette différence entre le prestige accordé aux élus dans les zones rurales et urbaines. Le gouvernement local des sections rurales (le CASEC, le conseil d'administration de la section communale) ne reçoit pas le même prestige, financement ou capacité que ceux des villes, où siège habituellement le gouvernement de toute la commune. Par conséquent, les gouvernements communaux sont prédisposés à être plus actifs dans les zones urbaines.
Dans un tel environnement, Haïti tout entier a désespérément besoin d'un symbole d'autonomisation rurale, d'action et de développement, afin de valoriser et de soulever les sections communales. L'APF était une réponse à ce besoin, et à ce jour fonctionne comme un symbole national qui sape le récit discriminatoire envers la paysannerie.
APF est une ONG nationale haïtienne, fondée en 1988 par des agriculteurs du village haïtien de Fondwa sous la coordination du Père Joseph Philippe, qui a pour mission de permettre aux organisations locales de base en Haïti de créer de la richesse dans leurs communautés. APF a fourni des services publics essentiels à Fondwa depuis sa conception, comme la création de la route de Fondwa, la plantation de plus de 500,000 arbres grâce à leur projet de reboisement, ainsi que la création d'un centre de santé local, d'un orphelinat, d'une école primaire et secondaire, et d'une station de radio et d'une coopérative de crédit à Fondwa.
En 2001, pour célébrer le 200ème anniversaire de l’indépendance d’Haïti, l’APF a organisé plusieurs forums de collaboration, qui comprenaient des paysans de Fondwa ainsi que des individus de Cuba et des États-Unis, sur la meilleure façon de servir la paysannerie d’Haiti. L'idée d'une université « populaire » est née de cela - où les paysans et les collaborateurs internationaux serviraient à la fois de professeurs et d'étudiants.
Cette collaboration a culminé avec la fondation de l'Université de Fondwa par l'APF en 2004. Elle s’affiche comme l’une des universités, sinon la première, à opérer directement au sein d’une section communale. L’Université de Fondwa est un represent primordial pour affecter et affaiblir les inégalités historiques entre les sections communales et les villes. De plus, c'est une entité qui s'attache aux principes du développement durable et intégré. L'université vise à être le porte-étendard dans le pays pour le développement local et l'autonomisation de la paysannerie en suivant un processus participatif d'initiatives locales en tant que moteur du développement économique et social. L'UNIF estime que le développement local doit inclure les trois principes clés suivants : répondre aux besoins des populations afin qu'elles deviennent actives et responsables ; assurer le progrès social et économique dans la région ; et insuffler la lutte contre la pauvreté et les inégalités dans toutes les actions locales.